Conférences plénières

Colloque international

AfrikOI : ContrHég 

12-14 novembre 2025 : Université de La Réunion, île de La Réunion

Discours contre-hégémoniques dans l’océan Indien et en Afrique : Penser, écrire et créer un monde en commun ?

Conférencières et conférenciers invité(e)s

Markus ARNOLD, University of Cape Town, South Africa { https://humanities.uct.ac.za/school-languages-literatures/contacts/markus-arnold-0 }

Conférence : Circulations précaires, enchevêtrements fragiles : de quelques ambivalences et potentialités relationnelles entre l’Afrique et les îles.

  • « Circulations », « enchevêtrements », « imbrications » : autant de termes et concepts ayant fait l’objet de récentes mobilisations et réappropriations pour penser, pour et depuis les Suds, l’émergence de nouvelles dynamiques relationnelles qui s’opposent à des discours hégémoniques (néo)coloniaux et à d’anciens et de nouveaux clivages identitaires et géopolitiques. Articulés à partir des « périphéries » et « espaces postcoloniaux » (loci tant géographiques que symboliques et idéologiques), ces positionnements et reconceptualisations témoignent de résonances, voire de convergences significatives entre une pensée africaine et une pensée insulaire (indianocéanique et caribéenne). Des liens originaux s’établissent, des filiations inédites se tissent : les travaux dans le cadre des Ateliers de la pensée dakarois le démontrent ; mais également d’autres interventions et projets, comme l’élargissement de la notion de créolisation, la relecture de l’espace continental par ses marges océaniques, ou la mobilisation de cosmogonies transterritoriales. Prenant appui sur quelques textes critiques et programmatiques d’auteur.e.s africain.e.s (e.g. Mbembe, Sarr, Nuttall, Erasmus) et indianocéaniques (e.g. Vergès, Marimoutou, Raharimanana), quels sont les échos et confluences qui s’observent dans cette nouvelle affirmation épistémologique du Sud ? En même temps, que dire de la singularité de ces positionnements ; quelles limites ces rapprochements montrent-ils ? Il semblerait, en effet, qu’au sein même de ces mises en relation et branchements conceptuels émergent non seulement des potentialités manifestes pour une pensée émancipatrice postcoloniale plus étendue. L’on y voit également des figures particulières, des ambivalences, des liens fragiles – autant de lignes de faille qui s’avèrent essentielles pour penser la complexité d’un monde en commun.

Xavier GARNIERUniversité Sorbonne Nouvelle - Paris 3, France : { https://www.thalim.cnrs.fr/auteur/xavier-garnier }

Conférence : Mortier de mots et de voix aux jointures des discours hégémoniques.

  •  Les romans de Nathacha Appanah témoignent d’une grande défiance envers les discours constitués, toujours prêts à se ranger en ordre de bataille pour asseoir leur emprise sur le réel. Telle est l’hypothèse de lecture que je propose pour examiner la façon dont les personnages évoluent sur une ligne de crête sensible entre les discours de pouvoir. Loin d’instrumentaliser un traumatisme latent, la vie interstitielle des personnages d’Appanah est une force de liaison, agitée de voix et de mots, qui fait tenir ensemble le continent africain et l’espace océanique depuis un sillage bouillonnant.

Emmanuel Bruno JEAN-FRANÇOISPennsylvania State University, USA { https://french.la.psu.edu/people/emmanuel-bruno-jean-francois/  }

Conférence : Revendications afro-créoles à l’île Maurice : entre hégémonie du modèle multiculturel, tactique essentialiste et reconfiguration décoloniale.

  • En partant des spécificités identitaires et des préjugés ethnoculturels historiquement rattachés au qualificatif « créole » ainsi qu’au groupe mixte d’Afrodescendants qu’il désigne plus précisément à l’Île Maurice aujourd’hui, cette présentation s’interroge tant sur la nature que sur la portée des revendications dites afro-créoles, telles qu’elles s’articulent depuis les trois dernières décennies au sein de la république multiculturelle. En effet, dans cette ancienne colonie de plantation, érigée depuis son accès à l’indépendance en modèle du multiculturalisme et du vivre-ensemble interethnique et interreligieux, ces mêmes spécificités ethnoculturelles, ainsi que la marginalisation sociale, culturelle et économique des Afro-Créoles qui perdure à l’ère postcoloniale, nous invitent à penser la pertinence de possibles convergences entre courants afro-diasporiques et pensée de la créolisation – deux cadres de représentations identitaires souvent perçus comme opposés dans les discours ou les champs académiques. Aussi, en réponse aux interrogations formulées dans l’appel à communications du colloque AfrikOI, je soutiens que, face à cette marginalisation de longue durée, la réappropriation du qualificatif « créole » par la population d’ascendance africaine et malgache à l’Île Maurice, ainsi que les revendications ethnoculturelles que cette réappropriation rend possibles, se sont considérablement amplifiées ces dernières années. L’objectif principal étant, dès lors, d’obtenir une reconnaissance plus équitable de la place des Afro-Créoles au sein de la société, par l’État mauricien. Or, bien que cette prise de position puisse, dans le contexte de la société post-esclavagiste, être perçue comme simple tactique essentialiste de rééquilibrage ethno-politique et socio-économique consolidant le modèle compartimenté du multiculturalisme mauricien, je postule qu’elle nous invite à une réflexion plus large, d’une part sur les faux paradoxes d’un rapprochement entre identité afro-diasporique et identité créole, et d’autre part sur la portée décoloniale d’un tel rapprochement, en réponse notamment à la créolophobie, ainsi qu’aux taxinomies raciales et racialisantes héritées de la colonisation.

Mame-Fatou NIANG, Carnegie Mellon University, Pittsburgh, Pennsylvanie, and Visiting Professor at Columbia University, New York, USA, {https://french.columbia.edu/content/mame-fatou-niang  / https://www.cmu.edu/dietrich/lcal/about-us/filter/faculty/mame-fatou-niang.html }

Conférence : Pænser les tremblements du monde depuis Les Afriques et l’Océan Indien.

  • En juin 2023, j’entamais Échoïques, une résidence d’art interrogeant les liens entre sons et mémoires sensibles des lieux avec six habitantes de Clichy-Montfermeil (France). Originaires du Sénégal, du Mali, de Libye, de la Réunion, d’Haïti et d’Algérie, ces femmes étaient pour certaines nées en France, et pour d’autres arrivées à Clichy-sous-Bois à la faveur d’un regroupement familial ou au terme d’un parcours migratoire éprouvant à travers l’Atlantique, le désert ou la Méditerranée. Échoïques est une mosaïque sonore créée à partir de leurs souvenirs dans les quartiers du Chêne Pointu, de La Forestière et des Bosquets. L’un des buts de cette résidence était de dessiner d'autres perspectives des banlieues françaises en atténuant les bruits communément associés à leurs représentations publiques, et révéler l’espace tel qu’il est intimement traversé par ses habitants. Dans ce projet, initialement pensé autour des sonorités, l’eau et les liquides allaient se révéler comme des jointures révélant trois espaces récurrents dans nos explorations : l’Afrique, le Brésil et l’Océan Indien. Ces trois masses allaient dessiner les contours de ce que nous avons nommé, dans notre studio, Brindafrica : un espace de brassage, d’identités mouvantes et de multiples appartenances. Cette communication portera sur le virage pris par cette résidence collective après l’incorporation des travaux de la poétesse réunionnaise Estelle Coppolani, alors en séjour à la Cité des Arts de Paris, et après les visites de la photographe brésilienne Marvilá Araujo, du plasticien afro-français Alexis Peskine et de l’artiste sud-africaine Zana Masombuka. En croisant les pratiques de ces artistes et leur réception dans notre atelier, il s’agira d’analyser les flux humains et d’idées à l’intérieur de Brindafrica. Pænser depuis ce territoire, c’est envisager des manières d’habiter le monde insuffisamment prises en compte dans les cadres hégémoniques de pensée. Enfin, cette communication examinera comment la définition de cet espace entre Afrique, Atlantique Noir et Océan Indien affecte le mouvement récent des Études noires globales. Longtemps très étasuniennes, les Études Noires élargissent peu à peu leur champ d’investigation. Il s’agira de considérer comment la mise en valeur de la production intellectuelle africaine et indianocéanique reconfigure ce champ à l’échelle mondiale, en offrant une compréhension élargie des notions d’identité, de noirité et de relationalité.

Françoise VERGES, Honorary Senior Research Fellow at Sarah Parker Remond Centre, Institute of Advanced Studies, University College London, UK { https://www.ucl.ac.uk/racism-racialisation/professor-francoise-verges }

Conférence : Afriques fantômes/ Afriques en mouvement.

  • Quels discours contre-hégémoniques peuvent émerger à La Réunion contribuant à l’émergence d’un monde en commun alors que c’est une île sans souveraineté, une (post) colonie française qui n’est toujours pas décolonisée ? Que représente cette île dans un océan, de plus en plus militarisé, où de nouvelles puissances s’affrontent, et où La Réunion joue un rôle d’arrière-poste ? D’un côté, un immense continent si riche qu’il est systématiquement pillé depuis des siècles par des aventuriers, des mercenaires, des États, des corporations, un continent où s’affrontent des forces sociales, où des guerres, des génocides sont en cours, où une jeunesse affronte les mains nues des polices surarmées, où des vieillards dictateurs refusent de mourir, et de l’autre, parce qu’elle est un département/région de la République, une île nécessairement complice, même si passivement, de la politique de l’État français donc de la Françafrique, d’un État impérialiste qui protège des dictateurs. L’Afrique d’où sont venus les ancêtres hante les mémoires réunionnaises mais l’Afrique d’aujourd’hui est absente. Comment la présenter comme un espace continental complexe, vivant, en mouvement ?   

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